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09-PREMIERS CONTACTS AVEC LES OCCIDENTAUX Janv 2010 Comprendre le Karabash, c’est saisir la personnalité, le mode de vie, les traditions, la vie pastorale de tout un peuple au sein duquel vit depuis toujours ce chien. Etudier le Karabash, c’est d’abord se pencher sur l’histoire de ce même peuple.
Une fois que la réputation des chiens de Turquie a traversé les frontières dans les années 1960-1970, des personnalités européennes et américaines, bien souvent cynophiles avertis, ont débarqué dans le pays dans le but d’étudier ces chiens dans leur milieu naturel. Ils se sont mis à étudier les chiens seulement en Turquie alors que les mêmes chiens sont largement répandus dans tous les territoires de l’Asie Centrale où vivent les tribus turques. A la suite de cette grossière erreur est né « le berger d’Anatolie » qui est aussi Anatolien que les Ivoiriens sont des Gaulois. Cette « race Anatolienne », inconnue en Turquie, qui ne présente aucune homogénéité ni morphologique ni comportementale est en train de devenir progressivement une vraie « race européenne », tout en gardant son appellation « berger d’Anatolie » ! Il trahit donc deux fois son appellation.
Excellent chien sur troupeaux. Excellente morphologie. S’agit-t-il d’un Karabash ?
Sa contribution génétique est une richesse inestimable. Karaman.
Ces chercheurs occidentaux, pour commencer et poursuivre leurs études, avaient besoin de contact avec la population locale et pour ce faire, ils ont engagé des « interprètes » locaux auxquels ils ont demandé de rencontrer des personnes connaissant bien ces chiens. La bonne volonté de ces chercheurs n’est nullement mise en cause. Or, si vous n’êtes pas médecin, vous ne pouvez pas traduire un texte médical, si vous n’êtes pas juriste, vous ne pouvez pas traduire un texte juridique, si vous n’êtes pas cynophile, les choses se compliquent au niveau de la traduction et si, en plus, vous avez un niveau de langue plutôt « pour touriste », la communication pose un problème particulièrement épineux. Ces « interprètes », avec cette même bonne volonté, ont donc désigné des « connaisseurs » de chiens. C’est ainsi qu’ont eu lieu les premiers contacts des occidentaux avec les chiens de protection en Turquie. Aujourd’hui, en Europe, nous sommes en train de vivre les conséquences des erreurs commises à cette époque.
Le sprint du Karabash est impressionnant.
Chiens appartenant aux forces armées turques. Le monde turc (pas seulement la Turquie) n’est pas un monde cynophile au sens occidental du terme. Certaines pratiques et les conditions de vie d’une grande majorité de chiens de protection, en fait chiens de travail et rien d’autre, peuvent heurter l’européen qui vient de débarquer dans les grandes steppes du haut plateau de l’Anatolie.
Il n’y a pas que le Karabash qui sait
travailler. Des chiens qui ne ressemblent
à « rien » mais très efficaces sur
troupeaux sont à l’origine de la
richesse génétique sans lesquels le
Karabash n’aurait jamais maintenu
son identité au fil de l’histoire.
Comment expliquer alors que ce peuple soit à l’origine de plusieurs types de chien de protection, dont le Karabash parmi les meilleures au monde, nous osons le dire. Si le Karabash est toujours là, fidèle à lui même, c’est que ses « utilisateurs non-cynophiles » sont bien à l’origine du maintien de leur pureté génétique. Si ce n’est pas le cas, il va falloir chercher d’autres explications sur place. Tous les utilisateurs du Karabash en Turquie vous diront que ces chiens, s’ils sont dans la nature, « évitent en général » de s‘accoupler entre frères et sœurs, entre parents et enfants ou avec les congénères qui ne sont pas de leur race. Ils ne le feraient que pour perpétuer l’espèce s’ils n’ont pas le choix. N’oublions pas que l’inceste n’existe probablement pas chez le loup. Eh oui, il faut peut-être, de temps à autre, savoir laisser nos certitudes occidentales au placard. Mais jusqu’où peut-on aller dans ce sens ? En tout cas, partisans du « mariage arrangé », nous n’avons aucun moyen en Europe pour vérifier ces témoignages. Après tout « évitent en général » veut bien dire que ces chiens ont ce « penchant », ce qui expliquerait la préservation de la race sans l’intervention apparente, flagrante de l’homme jusqu’à nos jours.
Nous vous rappelons que les Karabash qui ont fait la grande migration et ceux qui sont restés dans leur pays d’origine, le Turkestan, sont toujours les mêmes ou presque après 1000 années de séparation !
N’oublions pas que le Karabash est probablement un des premiers descendants du loup et n’a pratiquement pas subit d’évolution majeure depuis. Connaissant aussi les mœurs du loup en matière de reproduction, ce « penchant » des Karabash n’est peut-être pas impossible, en tout cas, nous n’en savons rien et nous pensons que là, il y a une véritable recherche scientifique à faire avant de se prononcer formellement. Aller loin dans la découverte de ce chien implique non seulement une recherche scientifique et comportementale sur l’animal lui-même, mais nécessite, en même temps, une étude de son environnement, une étude de son mode de vie, de ses mœurs dans ce même environnement et une étude de l’histoire pastorale du peuple auquel il appartient. Une initiative de cette envergure ne peut se faire qu’avec la collaboration de scientifiques cynophiles, qui, pour un temps, sauront raisonner en dehors de leur cadre normalisé et de bergers locaux qui, nous en sommes convaincus, seraient heureux d’échanger leur savoir et leur expériences avec leurs amis cynophiles du monde entier.
Ils viennent pour s’assurer que tout se passe
bien. Un fois convaincus qu’il n’y a pas de
menace pour leurs protégés, ils retournent
aussitôt à leur poste de travail.
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© DERBENT Anne-Marie 2006 |