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    Nous vous proposons une étude génétique sur l’identité distinct du Karabash rédigée en anglais.
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    Photo Karabash

    Photo Karabash

    Photo Karabash

    Photo Karabash

    Photo Karabash

    Photo Karabash

    Photo Karabash

    Photo Karabash

    Photo Karabash

    Photo Karabash

    Photo Karabash

    Photo Karabash

    Photo Karabash

    Sarayönü, KONYA

    14-SES ORIGINES

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    Janv 2010

    Les chasseurs ont tué une louve et ont amené au village les deux louveteaux qu’ils ont découvert à proximité.

    Le loup, est-il à l'origine du chien ? « Most probably » ou « en toute probabilité » disent beaucoup de sites en se basant sur des suppositions, sur des hypothèses, ce qu'ils reconnaissent volontiers. Nous n'avons donc aucune certitude.

    Les chasseurs ont tué une louve et ont amené au village les deux louveteaux qu’ils ont découvert à proximité. Ce louveteau est l’un d’eux. Ces deux proches cousins, comme tous les très jeunes animaux ont beaucoup joué ensemble. Photo : Ali DURKAYA

     

    Si le loup, morphologiquement et génétiquement plus proche, n'est pas à l'origine du chien, d'où vient alors le chien ? N'existait-il pas avant le loup sous forme de « chien sauvage » au même titre que le coyote ou le chacal ?

    Le louveteau est deux fois plus petit mais observez sa posture

    Le louveteau est deux fois plus petit mais observez sa posture, il tient tête au chiot Karabash avec beaucoup d’assurance. Photo : Ali DURKAYA.

     

    Sur cette photo, ils ont à peine plus d’un mois. Il a fallu les nourrir au biberon.

    Quelque soit son origine, comment s'est il transformé sur le plan morphologique et comportemental ? Son adaptation dans son nouvel environnement auprès de l’homme, son évolution dans le temps sont bien plus saisissables, beaucoup plus compréhensibles que le point de départ de ce processus. Quelle est l'hypothèse la plus vraisemblable pouvant donner une explication acceptable au point de départ de l'idée de transformer des canidés prédateurs en chiens protecteurs de troupeaux ?

    Sur cette photo, ils ont à peine plus d’un mois. Il a fallu les nourrir au biberon.

     

     

    Certes, chacun a son opinion plus ou moins crédible. Nous pensons pour notre part que le début de ce processus était plus accidentel que réfléchi. Nous pensons aussi que la domestication du chien s'est faite au sein des tribus nomades, domestication qui leur a permis, non pas de se sédentariser mais de ne plus être tributaires de la chasse pour leur survie. C'est ce jour là que l'élevage extensif a probablement commencé dans les grandes steppes de l'Asie Centrale. Quand exactement ? Nous aurions bien voulu le savoir. Naturellement, ce point de départ, certainement insignifiant au début, s'est progressivement répandu partout où l'élevage extensif était possible.

    Bien bâti, bien proportionné, beau et digne.
    Bien bâti, bien proportionné, beau et digne. De plus, il a une excellente morphologie taillée pour la protection de troupeaux. Haymana.

    L’immense majorité des races de chiens en Europe a été fixée il y a, à peu près, une centaine d’années. Leur histoire est récente donc la traçabilité de leur évolution est, à peu d’exception près, aisée. La méthode de sélection, menée d’un bout à l’autre par l’homme, était purement scientifique. Je définis les caractéristiques du chien dont j’ai besoin. Je sélectionne les sujets qui correspondent au mieux à la race à créer. Je les croise entre eux. Puis, je ne garde que les géniteurs, les meilleurs, pour les croiser à nouveau avec d’autres. Je prolonge cette méthode jusqu’à l’obtention de sujets ayant des caractéristiques héréditaires communes.

    Dikilitaş Köyü, Pınarbaşı, Kayseri.
    Chiens d’Asie Centrale

    Il est évident que pour le Karabash et pour ses cousins de Turquie et de l’Asie Centrale, cela ne s’est pas passé de cette manière.

     

    Chiens d’Asie Centrale

    La sélection du Karabash a commencé avec les premiers nomades éleveurs et se poursuit aujourd’hui. Il s’agit, bien évidemment, d’une sélection dans laquelle l’intervention de l’homme, étalée dans le temps, reste modique néanmoins déterminante. Le seul souci du nomade éleveur était de créer un outil de travail et rien d’autre. C’était, pour lui et pour les siens une question de survie. Il savait ce qu’il voulait, nous pouvons affirmer aujourd’hui qu’il a su créer un chien d’une efficacité maximum avec une sélection minimum afin de préserver ce coté naturel, le coté « sauvage » de ce chien.

    Chien Mazandarani, Iran.

    Une des raisons, grâce à laquelle le Karabash a pu traverser l'histoire pour arriver intact dans toute sa fonctionnalité était la méthode de sélection pratiquée par les bergers turcs. Le pauvre berger a bien souvent autres choses à faire que de s'occuper à tenir un livre

    Chien Mazandarani, Iran.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Chiens Mazandarani, Iran.

    des origines (LOF) pour ses outils de travail que sont les chiens. Il ne sait pas faire non plus l'agence matrimoniale pour former des couples canins, afin qu'ils vivent heureux et longtemps.

    Il fait mieux.

    Le berger ne garde pas un chien qui ne donne pas entière satisfaction dans l'accomplissement du travail pour lequel il a été programmé depuis fort longtemps. Cela veut dire que les chiens retenus, sous entendu vivants, sont tous d’excellents sujets.

     

    Nord de l’Afghanistan.

    Nord de l’Afghanistan.

     

    Oui, vous avez déjà saisi où nous voulons en venir.

     

    Turkménistan

    La sélection naturelle s'effectue donc au sein d'une population déjà sélectionnée dans des conditions grandeur nature. Les meilleurs mâles parmi les meilleurs s'accouplent donc avec les femelles en chaleur.

    Pas besoin d’une radio de la hanche non plus pour déceler une éventuelle dysplasie puisque le malheureux chien atteint de ce fléau n’a, de toute façon, aucune chance de s’imposer aux autres prétendants qui se livrent déjà à des bagarres parfois impressionnantes afin d’avoir le droit de s’accoupler.

    Turkménistan

    Peut-on imaginer une meilleure sélection ?

    Voilà pourquoi le Karabash aujourd'hui est un excellent outil de travail et aussi, peut-être, un excellent ami de l’homme.

    Karabash à Akça au nord de l’Afghanistan.
    Nord de Iran

    Le nomade, a-t-il créé, dès le début, le Karabash tel que nous le connaissons de nos jours avec sa couleur uniforme dans sa variété des nuances des grandes steppes, avec son masque noir caractéristique, avec sa queue enroulée sur la croupe et avec une apparence qui ressemble à celle de la lionne, cette ressemblance étant fortement accentué chez les sujet dont les oreilles sont essorillées ?

     

    Sarap, nord de l’Iran.

    Ou bien, ne s’est il pas encombré avec ces détails et a-t-il voulu créer un outil basé uniquement sur l’efficacité sans se soucier de l’aspect morphologique de sa sélection ?

     

    D’où viennent les autres chiens alors ? Ceux qui cohabitent avec les Karabash du Turkestan oriental chinois jusqu’aux Balkans partout où il y a une population d’origine turque, qui ont à peu près la même taille que les Karabash, qui ont une parenté évidente avec les Karabash mais n’ont pas tout à fait la même morphologie, pas tout à fait la même personnalité.

     

    Marché d’Ashkhabad, Turkménistan.

    Et les Alabaï du Turkménistan dans ce même contexte ? Ils ont la même origine que leurs cousins Karabash, mais il y en a que fort peu en Turquie. Les populations qui ont fait la grande migration vers l’ouest, étaient-ils plutôt utilisateurs de Karabash et non d’Alabaï ? Les tribus, utilisatrices d’Alabaï, ont-elles plutôt décidé de rester en Asie Centrale ? Ont-elles contourné l’Anatolie en passant par le nord de la mer Noire ?

     

    Nous ne le savons pas.

     

    Nous avons l’impression de poser plus de questions que d’apporter de réponses. Les sources d’information et leur fiabilité parfois sont limitées. Nous ne comptons pas partager avec vous nos maigres « certitudes »… pour l’instant. Il y a une vaste étude à faire sur les chiens de l’Asie Centrale pour ceux qui veulent bien s’y lancer. Cette étude ne peut pas se faire devant son ordinateur. Elle ne peut se faire que sur place en Turquie et dans toutes les républiques turques y compris le Turkestan chinois, dans le nord de l’Afghanistan peuplé majoritairement de Turkmène, de Kirghize et d’Ouzbek et au nord de l’Iran peuplé d’Azéri. Pour être complet, il y a deux bonnes raisons en faveur de l’extension d’une telle étude dans les Balkans et en Europe Centrale.

    Chiots d’Alabaï à vendre au marché du désert.

    1)Biens avant les grandes migrations des tribus turques dont la destination principale était l’Anatolie, il y a eu, toujours de l’est vers l’ouest, d’autres migrations de masse plusieurs siècles auparavant dont la destination principale était l’Europe Centrale. Les hongrois, descendants des Huns qui ont une langue ouralo-altaïque, sont venus de l’Asie.

    Chiots d’Alabaï à vendre au marché du désert.
    Ashkhabad, Turkménistan.

     

     

     

    2)Il y a surtout l’héritage Ottoman. Environ quatre siècles durant, sans parler de migrations, des déplacements de populations à plus petite échelle étaient à l’origine de l’introduction dans les Balkans des populations nomades qui pratiquaient l’élevage extensif. C’est pour cette raison qu’à nos jours, il n’y a pas besoin d’être cynophile averti pour constater que les chiens de protection des Balkans composent la version balkanique de l’évolution canine depuis l’Asie Centrale. Dans certains cas, en présence de deux chiens dont l’un de l’Asie Centrale et l’autre des Balkans, mêmes les cynophiles avertis auront beaucoup de peine à les distinguer.

    Alabaï au Turkménistan.
    Alabaï au Turkménistan.
    Alabaï au Turkménistan.

    La ressemblance entre le Karabash et l'Alabaï, voire tous les chiens de protection de troupeaux de la totalité de l'Asie Centrale, n'est, nous semble-t-il, pas étonnante. Le nomadisme traditionnel de ces contrées nécessitait un seul type de chien armé d'une constitution qui lui permettait de s'adapter aux rudes conditions environnementales des grandes steppes. C'est à dire, des chiens résistants aux maladies, endurants pour pouvoir travailler durablement, assez rapide pour maîtriser l'espace autour d'eux, assez grands et forts pour faire le poids devant les prédateurs. Pour nous, nous osons le dire, ils sont tous des cousins mais ne constituent probablement pas une race. Notre perception de la « race » convient-elle à la réalité du terrain dans ces régions ? Vaste débat…  

    Chiot Alabaï, Turkménistan.
    Alabaï au Turkménistan.

    Revenons à notre Karabash. Nous pensons néanmoins que si la sélection avait débuté sur l’efficacité uniquement sans tenir compte de l’aspect morphologique, le Karabash n’aurait probablement jamais vu le jour. D’autant plus que le nomade avait intérêt à sélectionner une couleur qui se confond avec la couleur dominante des steppes et avec la couleur des moutons pour rendre les chiens difficilement repérables dans le troupeau par les prédateurs.

    A ce stade, il faudra peut-être poser la question primordiale, en tout cas en Europe, à savoir si le Karabash est une race conforme à la définition de race canine.

    D’après la définition, sans doute.

    « Le terme « race » est principalement utilisé pour les espèces domestiquées. Il se rapporte à des populations individualisées d'une même espèce ayant des caractères morphologiques et physiologiques héréditaires bien distincts des autres populations, c'est-à-dire ayant un génotype moyen individualisé et que l'homme s'est attaché à maintenir parfois depuis très longtemps, mais qu'il peut faire évoluer dans le temps en fonction d'impératifs économiques ou de modes. » (wikipédia). Nous ajoutons à cette définition que le Karabash a une excellente stabilité comportementale et une personnalité bien distincte des autres races canines.

    Entrons dans le vif du sujet.

    La création de beaucoup de race canine n'a nécessitée que la durée de vie adulte de son créateur. Frédéric Louis Dobermann a crée une race que nous qualifierions de parfaite au vu de l'utilisation pour laquelle elle a été conçue. Conformément à la définition ci-dessus, la race, par la suite, a subi l'évolution dans le temps en fonction d'impératifs économiques ou de modes que nous connaissons.

    Antonio Nores Martinez a pu fixer les caractéristiques de la race du Dogue Argentin au bout de 13 générations seulement. Il voulait créer un chien de chasse hors pair, de puma et de gros gibier dans les immenses pampas Argentines. Lui aussi, il a pu (a su) créer une race parfaite au vu de l'utilisation pour laquelle elle a été conçue. Son aptitude bien prononcée à la garde n'est que le fruit du hasard puisque sa

    Chien Koochee au nord de l’Afghanistan.

    sélection n'avait pas été poursuivie dans cette optique. A notre humble avis, le Dogo, lui aussi, comme le Dobermann, suit la même définition de la « race ». Seulement, son évolution dans le temps en fonction d'impératifs économiques ou de modes est apparemment moins visibles parce qu'il est plus jeune que le Dobermann.

    Chien Koochee au nord de l’Afghanistan. Remarquez la ressemblance avec le Karabash.
    Photo : Semih GEÇGİL

     

     

    Est-il possible de créer une race canine de protection de troupeau au bout de quelques générations de sélections seulement, comme l'ont fait Herr Dobermann et Señor Martinez pour leurs chiens de défense et de chasse respectivement?

     

    Chien Koochee.
    Un chien Koochee avec son maître le consul général de la Turquie à Mazari Sherif au nord de l’Afghanistan.

    Si nous ne cherchons pas à « créer » une « race nouvelle » à partir de 80% de sujets qui au départ sont déjà des chiens de protection de troupeau, comment s'y prendre ?

     

    Obtenir un chien à la fois suffisamment grand pour se faire respecter, néanmoins suffisamment rapide pour une protection optimale ne serait déjà pas évident. Il faut, en plus, obtenir un grand courage et une grande détermination devant les prédateurs, une endurance quasi parfaite puisqu'il doit travailler 24h/24, une santé de fer, beaucoup ne voit jamais le vétérinaire dans leur vie, suffisamment d'intelligence afin de pouvoir travailler seul, sans l'intervention de l'homme.

     

    C'est tout ? Sûrement pas. Nous n’avons pas encore abordé les critères les plus difficiles à obtenir.

     

    Il va falloir créer un lien indéfectible entre le chien et l'animal à protéger, il s'agit peut-être de créer une sorte de symbiose qui ne sépare plus le chien de son troupeau. L'efficacité de la protection dépend de la force de cet attachement viscéral à ce milieu qui est le sien. Cela ne s'obtient pas en quelques générations de sélection.

     

    Plus difficile, c'est l'obtention d'un chien polyvalent qui est capable aussi d'aller chercher un mouton égaré pour le forcer à regagner l'intérieur d'un périmètre que le chien lui même a définie pour des raisons évidentes de protection optimale. Le rassemblement du troupeau fait donc partie de son travail de protection. Ce comportement, quelque peu méconnu en Europe, semble remettre en cause le fondement de ce que nous croyons savoir en la matière. En fait, par ce geste, il ne conduit pas le mouton, il le protège. Nous devons aussi souligner que l'aptitude à rassembler le troupeau pour mieux le protéger n'est pas prononcée comme il se doit chez tous les Karabash. C'est pour cette raison qu'il faut veiller à mettre dans chaque troupeau au moins un chien capable d'assumer convenablement ce travail.

     

    Encore plus difficile à obtenir, c'est l'aptitude qui permet au chien de déjouer la ruse des prédateurs, notamment du loup. Il ne suffit pas d'être beau, fort, rapide, courageux, déterminé et intelligent pour faire face au loup qui n'attaque jamais bêtement (c'est le cas de le dire) le troupeau. Considéré depuis fort longtemps par l'homme comme l'ennemi à abattre, le loup n'avait plus d'autres choix que d'apprendre à être fin stratège pour assurer sa survie. Nous vous laissons deviner le temps nécessaire pour obtenir une telle aptitude chez le chien. Nous, nous n'en avons aucune idée.

     

    Nous avons maintenant une meilleure perception de la difficulté du travail et le temps que ce travail nécessiterait pour obtenir un as de la protection.

     

    Mais il y a une, et une seule condition sine qua none pour que ce noble parcours soit couronné de succès. Il faut impérativement que ce travail se fasse au sein d'une population nomade qui continue à vivre comme l'ont toujours fait leurs ancêtres au milieu de grandes étendus, propices non seulement à l'élevage extensif, activité principale des nomades, mais aussi à l'épanouissement d'une faune sauvage riche, avec ces prédateurs qui, en permanence, menacent les troupeaux.

     

    A ce stade, nous devons formuler une autre question.

     

    Chien Koochee.
    Chien Koochee, Afghanistan.

     

     

    La notion de « race canine » au sens occidental du terme, convient-elle au chiens de protection de troupeaux qui, nous vous le rappelons, sont tous originaires de l'Asie Centrale, seule contrée du globe à notre connaissance, dans laquelle toute les conditions nécessaires à la pratique de l'élevage extensif traditionnel à grande échelle sont réunies.

     

    Pourquoi cette « remise en cause » de la notion de « race », sur laquelle nous avons bâti notre cynophilie moderne ?

     

    Tout simplement parce que, plus nous analysons le monde cynophile, plus nous sommes convaincus que les instances cynophiles, telles quelles sont aujourd'hui, sont d'abord et avant tout des structures commerciales. Nous n'y voyons pas beaucoup de science dans ce système hermétiquement verrouillé. Les éleveurs en France par exemple n'ont aucune liberté, aucune possibilité d'initiative en dehors du cadre défini par ces mêmes instances.

     

    Avant de vous donner au moins un exemple concret, nous devons préparer le terrain pour ceux qui ne connaissent pas les chiens de protection de troupeaux en Turquie, pays minuscule par rapport à l'Asie Centrale, qui néanmoins constitue, à notre avis, un échantillon crédible de la réalité en Asie Centrale.

     

    D'après Muhammet KARAKOYUN, yörük (nomade) lui-même, qui a une cinquantaine de Karabash utilisés sur troupeaux, il y a en Turquie :

     

    1)des chiens de même couleur (boz) avec des variations de ton, un masque noir, dont 80% se ressemble.

    2)des chiens avec une tête blanche, avec une blancheur générale partout entre le blanc lait et le blanc neige sans autres couleurs.

    3)des chiens à poils longs, de couleur sombre qui vivent plutôt en altitude dont un grand nombre se trouve du côté du Caucase. En Turquie, c'est le chien préféré dans la région de Kars.

    4)des chiens bringés appelés "çapar" ou "çandır" ou "karayaka" ou "dalkır" qui ont un tempérament bien trempé.

    5)des chiens bigarrés, métisses de Karabash ou d'Akbash, issus de croisement dans le but d'obtenir des sujets plus grands.

    6)des chiens de Yörük (chiens de nomades). Ce sont des chiens hétérogènes qui ne ressemblent à rien, néanmoins, leur sens de responsabilité est tellement grand qu'ils ne reculent devant rien. Ils sont sélectionnés non pas en fonction de leur morphologie mais en fonction de leur utilité et de leur tempérament affirmé.

     

    Sarap au nord de l’Iran.

    Nous ouvrons ici une parenthèse pour vous rappeler que le nom Karakoyun signifie « mouton noir ». (Il ne comporte bien entendu pas le sens péjoratif que nous lui attribuons en français). Karakoyunlular, les Karakoyun formant l’une des 24 tribus oghouz, ont fondé un état turkmène du même nom à l’est de l’Anatolie au XIV. et XV. siècles. Nous vous apportons ces précisions pour souligner à quel point le mouton et le mode de vie nomade qui en dépend,  avec le cheval et le chien, étaient l’identité même de ces tribus.

    Tout ces chiens décrits par M. Karakoyun doivent être jalousement protégés parce que, ne l'oublions pas, si le Karabash, l'Akbash et le Kars, les « préférés » des bergers, sont d'une efficacité sans faille, c'est grâce à l'apport périodique de sang « des autres », peu chouchoutés, pour ne pas dire pas du tout, mais à la fois solides, très intelligents et terriblement fonctionnels.

     

    Toujours selon M. Karakoyun, ces différents chiens ont chacun leurs variétés en fonction de leur répartition géographique. Il y a des variétés connues de Sivas, de Denizli, d'Aksaray, de Kars, de Konya, d'Urfa-Adıyaman. Il y a aussi les variétés des Taurus sur une ligne qui commence à Burdur-Isparta pour se terminer à Maraş-Kayseri.

     

    Sarap au nord de l’Iran.

    En fait, la réalité est bien plus complexe. Une chose est sûr, tout ceci met en valeur l'existence d'une extraordinaire variété et par conséquent d'une intarissable richesse génétique.

     

    Maintenant, relisons la définition de « race » et essayons de lui trouver une place dans ce tableau...

     

    Ah...nous ne savons pas ce que vous en pensez mais nous, nous commençons déjà à y perdre notre latin. Vous imaginez un peu la médiocrité de la démarche qui consiste à « promulguer » une, deux ou trois races et condamner à terme cette richesse génétique au profit de quelques « types », les plus beaux, bien entendu.

     

    Là, vous allez tous nous dire : « justement, la solution, c'est « le berger d'Anatolie » qui n'exclue pratiquement aucun chien qui vit sur le sol turc ».

     

    Parlons-en.

     

    Afghanistan.

    Nous commençons par simplifier la logique de cette notion de variété dont parle notre ami M. KARAKOYUN. Prenez un village quelconque quelque part sur le plateau central de la Turquie. Il y a des chiens dont une bonne majorité possède des traits distinctifs communs. Vous allez au village d'à côté 10 ou 20km plus loin, il y a les mêmes chiens avec des traits qui leur sont spécifiques, tellement peu différents de ceux du premier village que seul un œil expert peut les distinguer. On continue notre périple, on visite le village suivant et constate la même chose. A la fin de notre expédition d'observation, dans un village 1500km plus loin du premier, on constate qu’il n’est nullement impératif d'avoir un œil de spécialiste pour percevoir les variations morphologiques. Nous pensons que vous voyez à nouveau cette extraordinaire richesse génétique que nous avons, nous en sommes certains, le devoir de protéger.

     

    Revenons maintenant à notre « berger d'Anatolie ».

     

    Mongolie.

    Si on respecte à la lettre le standard du « berger d'Anatolie », c'est la disparition pur et simple et à court terme du Karabash, de l'Akbash et du Kars au profit d'un chien probablement beau et efficace à la fois dans un premier temps, mais qui n'aura plus cette homogénéité de couleur et de pelage spécifique que nous connaissons. La différence ne s'arrête pas là. Tout le monde s'accorde en Turquie pour admettre que le Karabash, l'Akbash et dans une moindre mesure, le Kars sont plus « sages », plus « réfléchis » que les autres. Il serait tout simplement criminel de « décréter », par le biais d'un standard, la disparition de ces chiens qui existent depuis que l'homme utilise leurs services.

     

    Près d’Ashkhabad, Turkménistan.

    Si on ne respecte pas à la lettre ce même standard, comme on fait partout en occident aujourd'hui en canalisant la sélection toujours sur le même type de chien, en l'occurrence le Karabash, le résultat n'est guère mieux. C'est la disparition pur et simple et à court terme de l'Akbash, du Kars et les « autres », ces « autres » dont la contribution génétique occasionnelle est indispensables pour le maintien de la formidable performance et de la stabilité du Karabash, de l'Akbash et du Kars. Le résultat est aussi criminel, nous utilisons délibérément ce mot qui peut paraître trop fort. Hélas, une fois de plus, la réalité du terrain et la cynophilie moderne ne semblent pas faire bon ménage.

    Nous reposons notre question pour laquelle nous avons écrit ces lignes. La notion de « race canine » au sens occidental du terme, convient-elle aux chiens de protection de troupeaux ?

     

    Nord de l’Afghanistan.

    Ne pensez-vous pas qu'il est temps de mettre, une bonne fois pour toute dans le placard nos « certitudes » occidentales, afin de les remplacer par des considérations plus fines, mieux adaptées à la réalité du terrain ?

     

    Quelles sont ces considérations « plus fines », « mieux adaptées » à la réalité du terrain ?

     

    Réfléchissons y ensemble.

     

    En attendant, faute de pouvoir vous donner une réponse, chaque fois que nous parlerons de la « race » Karabash, nous mettrons le terme « race » entre guillemets.

     

     

     

     

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    © DERBENT Anne-Marie 2006