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03-LES CHIENS DE RUE D’ISTANBUL Janv 2010
Les chiens de rue d’Istanbul ont une histoire. L’abondance des cartes postales de l’époque avec des images de chiens nous confirme que jusqu’à la fin du 19ième siècle, les chiens font partie du décor des rues d’Istanbul. Ironie du sort, les premiers graves ennuis de ces braves toutous commencent avec les premiers pas vers l’occidentalisation. Les milieux pro-occidentaux dénoncent cet « excès d’amour » et traitent de « réactionnaires » ceux qui défendent les chiens pour des raisons religieuses ou affectives. Le premier incident commence sous le règne du sultan Mahmut II (1808-1839). Un touriste anglais, essayant de fuir une attaque de chiens dans les rues d’Istanbul tombe d’un mur et se tue. Immédiatement, le gouvernement de sa gracieuse majesté donne un ultimatum au gouvernement ottoman. Le sultan ordonne la capture et la « déportation » des chiens errants à l’île Hayırsız dans la mer Marmara. L’opération commence mais devant l’ampleur de l’opposition des Istanbuliotes, le sultan recule.
En Juillet 1910, sur décision officielle, les chiens errants d’Istanbul sont déportés et abandonnés en masse
sur l’île Hayırsız au large de la ville. La Revue « L’illustration » du 16 Juillet 1910.
Le deuxième incident date de 1865 sous le règne du sultan Abdulaziz. L’opération de capture et de « déportation » vers l’île Hayırsız (île sans bienfaits ! en turc) commence et se poursuit bon train. Au même moment, un incendie gigantesque ravage plusieurs quartiers d’Istanbul. Les Istanbuliotes ne tardent pas à trouver la cause de cette catastrophe. C’était d’abord une punition de Dieu pour le triste sort réservé aux chiens d’Istanbul. Plus terre à terre, ils savaient aussi que si les chiens avaient été là, l’ampleur de la catastrophe aurait été beaucoup moins dramatique parce que les chiens, avec leurs aboiements, auraient averti et réveillé les habitants à temps. La réaction des Istanbuliotes est à la mesure de l’ampleur de l’incendie. Les bateaux retournent à l’île et ramènent les chiens « à la maison ».
Le sultan Abdulhamit II (1876-1908) laisse vivre les chiens en paix. Il ne s’occupe pas des chiens mais s’occupe de la rage. Il envoie des techniciens à l’Institut Pasteur, fait un don conséquent à ce même institut. Il est à l’origine de la fondation de l’Institut contre la rage à Istanbul. A la même période, l’étude de Mavroyani Pasha sur les chiens d’Istanbul est publiée.
Comptez le nombre de chiens de rue près de Sainte Sophie à Istanbul.
La revue « L’UNIVERS ILLUSTRE » du 1 Mars 1860.
La plus grande opération d’élimination de la population canine débute en 1910. Les chiens errants sont capturés manu militari et réunis à Tophane, un quartier d’Istanbul, pour un aller simple à la destination de nouveau de… l’île Hayırsız. Poussés par la famine une partie essaie de traverser la mer pour regagner le continent, quelques uns réussissent, la plupart se noient. Ce drame fait le sujet d’un article dans « Le Journal » sous la plume du dessinateur français Sem. La revue turque « Servet-i Fünun » publie l’événement avec des photos. Les défenseurs des chiens débarquent tous les jours sur l’île avec des vivres. Ils embauchent deux personnes pour assurer l’approvisionnement des « insulaires ».
Une scène pendant la guerre des Balkans à quelques kilomètres à l’ouest d’Istanbul.
La revue « L’ILLUSTRATION » du 21 Déc 1912.
La république, fondée en 1923, n’était pas plus tendre avec les chiens errants. Les hommes politiques ont toujours eu d’autres priorités. Le problème aujourd’hui est loin d’être réglé. Il est urgent de trouver une solution définitive pour le chien et digne pour l’homme.
Un refuge à Istanbul. Ce genre d’images, sûrement pas parmi les plus dures, pour combien de temps encore.
Refuge de Bahçeşehir, Istanbul
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© DERBENT Anne-Marie 2006 |