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08-MISE AU POINT SUR LE NOM DU KANGAL Janv 2010 Il y a une trentaine d’années, personne n’utilisait le nom Kangal. En Turquie, ce chien était appelé « Çoban Köpeği (chien de berger), Koyun Köpeği (chien de mouton) ou Karabaş (tête noire) ». « Çoban Köpeği » et « Koyun Köpeği » dénotaient une fonction plutôt qu’une race et « Karabaş » signifiait un « type » de chien que le nomade turc a toujours connu. Ce sont Dr. Charmian (Biernoff) Steele, MM J. Lloyd, D. Lyth et Dr. Withof-Keus qui ont baptisé ce chien du nom de Kangal.
Dr. Charmian (Biernoff) Steele est une archéologue qui avait conduit des fouilles à Konya en 1965 et avait emmené en Grande-Bretagne 2 chiots (un mâle et une femelle). Elle a voulu faire enregistrer ses chiots auprès du Club des chiens de Grande-Bretagne (Kennel Club) en précisant qu’en Turquie ces chiens étaient appelés Karabash et qu’ils gardaient les troupeaux et les maisons. Ayant déjà vécu des difficultés quant au choix de nom de races, le Club a refusé d’utiliser simplement le nom Karabash pour une nouvelle race et a préféré la baptiser « Karabash Anatolian Sheep Dog ». A la suite du refus de Mme Steele, le nom est devenu « Anatolian Karabash Dog ».
En 1968, Steele, Lloyd et Lyth sont revenus en Turquie et ont exporté un nouveau couple de chiens, Gritaurus Arılan et Gritaurus Melek. Deux ans plus tard, Lloyd et Lyth se sont rendus à Kangal (sous-préfecture dans le département de Sivas) pour emmener un autre couple de chiens, Elif et Atak. M. Lloyd a demandé au Kennel Club de changer le nom de cette race et de l’appeler Kangal en raison de leur pays d’origine. Trois ans plus tard, Dr. Withof-Keus a séjourné un certain temps à Kangal (Reed, 2003). Alors qu’en Grande-Bretagne les discussions se multipliaient, dans les années 60, autour du nom à attribuer à une race canine « d’Anatolie », la photo du Karabash figurant sur les timbres postaux turcs en 1973, était encore sous-titrée « chien de berger ». Ce n’est qu’en 1995 que la mention Kangal a été mise sur les timbres.
C’est parce que Lloyd, Lyth et Withof-Keus avaient séjourné par hasard à Kangal que cette race a pu être baptisée Kangal. Si ces personnes avaient visité un autre lieu en Turquie, le nom de la race aurait été différent ! C’est ainsi que notre vieux Karabash, après avoir traversé plusieurs dizaines de siècles d’histoire sans que rien ne change, s’est converti en Kangal du jour au lendemain, il a cessé d’être le chien de tout un peuple et est devenu le chien d’une bourgade. Excellente morphologie. Timbre de 1973.
Dans le livre intitulé « Sadik Dostumuz Köpekler Ailesi » (Nos Fidels Amis les Chiens), du Dr. Orhan ÖNCÜL, vétérinaire et général de brigade, publié en 1983 (très difficile à trouver aujourd’hui), vous ne trouverez pas, ne serait ce qu’une seule fois le mot Kangal en tant que race de chien. A la page 31 de son livre, il précise l’existence de beaux spécimens dans la région de Sivas et de Kangal. Pour lui, c’était « Chien de Berger Turc – Karabash ». Les conséquences de cette nouvelle appellation « Kangal » était néfaste pour la race. Puisqu’elle commençait à être connue, beaucoup d’amateurs, plus particulièrement des
S’ils avaient sous-traité le dessin à un<
connaisseur des chiens du pays, ils
auraient certainement évité de publier
cette horrible image. Timbre de 1996.
étrangers mais aussi des habitants du pays se sont intéressés à la race. Une partie seulement de ces amateurs voulait sincèrement un chien différent, une race stabilisée dans le temps, une race authentique, sans surprise dans ses réactions, un gardien hors pair qui, en même temps, déteste porter atteinte à l’intégrité physique de l’homme. Comme le chien, à la suite d’un malheureux hasard, s’appelait désormais Kangal, tout le monde est venu acquérir son « Kangal » à Kangal même. Notre brave Karabash qui n’a rien demandé à personne Karabash appartenant aux forces armées turques.
a fini, très rapidement, par devenir une « star » malgré lui. Nous connaissons bien ce phénomène en Europe.
chiens de la région ressemblent chaque jour davantage à des mastiffs répondant à un effet de mode que nous connaissons bien, encore une fois, en Europe. Aujourd’hui, lorsque vous interrogez un berger turc au sujet de ses Karabash, il vous répond que les siens ne sont pas des Kangal parce que les Kangal, pour lui, sont aussi grands que les ânes alors que ce n’est pas le cas de ses chiens. Il ignore parfois qu’il a les meilleurs Karabash, adaptés à merveille au travail qui leur est demandé, les mêmes Karabash que ses grands parents et arrière grands parents ont toujours connu.
Il n’y a pas longtemps, au festival de Kangal, un croisé kangal-mastiff est primé comme meilleur de la race par un jury qui ne s’est même pas levé pour examiner de près le candidat. Plus grave, la quasi totalité des chiens au concours étant maintenant métissés, le jury commence à perdre la capacité et la finesse pour juger les véritables spécimens de la race.
La sous préfecture de Kangal n’est pas la patrie du Karabash. La patrie du Karabash est partout où se trouve le mouton Akkaraman. C’est pour cette raison que, à partir de maintenant, nous allons cesser de parler de Kangal, qui, probablement, finira par devenir une race à part, pour ne nous occuper que du Karabash, héritier depuis toujours de la tradition ancestrale, du mode de vie pastoral, du monde de l’élevage extensif des tribus nomades.
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© DERBENT Anne-Marie 2006 |