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11-GESTION DU KARABASH EN TURQUIE Janv 2010 Tant que les chiens de protection du pays, plus particulièrement le Karabash, n’avaient pas encore de valeur marchande, il n’y avait pas de gestion proprement dite. La gestion se faisait tout naturellement en fonction des besoins des uns et des autres au sein du village ou entre villages voisins. Le Karabash n’a jamais eu besoin d’un club ou d’une fédération pour assurer son homogénéité jusqu’à nos jours. Bref, tout allait pour le mieux.
Lieu de travail, donc d’existence du Karabash. Il y en a nettement moins en dehors de cette délimitation.
Depuis quelques décennies les choses ne se passent plus de manière aussi naturelle, peut-être même de manière aussi naïve. Depuis Mars 1997, il existe un standard sous l’appellation « Kangal » mais il n’y a toujours pas de club de race pour en assumer la gestion. Des initiatives sérieuses des uns et des autres commencent à émerger non sans apporter quelques soucis. Chez les personnes à sang chaud, le débat, s’il y en a, dérape très vite et prend un tour passionnel…
L’équilibre de toujours a été rompu le jour où le Karabash est devenu un chien recherché par les occidentaux, puis par les turcs eux-mêmes comme chien de compagnie. Les américains en particulier, allaient jusqu’à payer une fortune pour l’acquisition d’un beau spécimen. En fait, un vrai problème se préparait dans le pays. L’augmentation brusque de la demande a créé un commerce malsain, puisque des personnes, récemment converties en éleveurs pour la circonstance, ont mobilisé tous les moyens pour faire face à la demande croissante. Ils n’allaient tout de même pas laisser échapper une si belle occasion de faire des profits conséquents, c’est compréhensible. Comme une grande majorité de ces chiens n’était pas destinée à
Le troupeau est de facto prioritaire. Près d’Erzincan.
devenir des chiens de protection de troupeaux, certaines qualités qui étaient recherchées à chaque portée passaient au second plan. Les gens voulaient des chiens plus massifs, ce n’était pas bien grave s’ils ne pouvaient plus courir comme leurs ancêtres. Ils voulaient des chiens qui ressemblent plus aux mastiffs, c’était plus impressionnant. Et pourquoi ne pas organiser des combats de chiens. Les paris apportent beaucoup d’argent à certains « éleveurs », toujours les mêmes, qui en assurent aussi l’organisation. Pour arriver à leurs fins, certains individus, issus du même milieu, n’hésitent pas à croiser le Karabash avec le Old English Mastiff ou avec d’autres dans le but d’obtenir des sujets aussi forts que le mastiff et aussi rapide que le Karabash. En plus, les deux races ont à peu près la même taille, même couleur de pelage et le même masque noir. Il n’est certes pas interdit de croiser deux races différentes mais il est particulièrement immoral de cacher la vérité et présenter à la vente les chiots ainsi obtenus comme des purs Karabash. Cette pratique, toujours présente de nos jours, commence à s’essouffler. Des spécialistes du Karabash, de plus en plus nombreux et les éthologues sont maintenant décidés à dénoncer et à combattre ces pratiques.
Toutes les rencontres avec le loup ne finissent pas de cette façon là… heureusement.
En ce moment, le Karabash vit des heures difficiles en Turquie. C’est la cacophonie la plus totale. D’un côté, il y a des personnes qui, depuis de longues années, ont pris l’habitude de manipuler les chiens (et les personnes) sans rencontrer d’obstacles, de l’autre, il y a aujourd’hui des connaisseurs à la fois qualifiés et dévoués à la cause qui ne comptent plus laisser faire une poignée de marchands de chiens de combat capable de tout faire, y compris de compromettre cette richesse génétique unique, pour gagner de l’argent.
Par rapport à la dimension du pays, ces individus ne sont pas très nombreux mais c’est ceux-là même qui veulent fonder le club du Kangal et gérer officiellement la race… Ils savent très bien que, si ce n’est pas eux qui sont à la barre de ce nouveau club, ce sera la fin définitive de leurs profits juteux. C’est pour cette raison qu’ils tentent de se donner une nouvelle virginité. Ils ne parlent plus de combats de chiens, ils évoquent l’avenir de la race, ils affirment œuvrer sans cesse pour sa pureté et pour sa promotion, etc. Entre-temps, ils n’omettent pas de constituer discrètement des groupes de pression pour influencer les autorités afin de s’emparer de la gestion du futur club de la race.
Nous vous avons présenté un tableau quelque peu sombre mais nous avions le devoir de vous en informer. Nous espérons que cette situation n’est que passagère et que la raison finira par l’emporter. Nous avons toutes les raisons de nous montrer optimistes car la jeune génération, les jeunes universitaires commencent à s’intéresser sérieusement au sort du Karabash et aux autres chiens du pays et régulièrement, il y a des publications nouvelles et des séminaires qui regroupent des personnalités locales et étrangères des plus averties.
Bien entendu, c’est surtout la région de Kangal qui est la plus touchée par ces mésaventures. C’est pour cette raison qu’il est très difficile aujourd’hui de trouver de beaux spécimens dans la région de Kangal et encore plus difficile à Kangal même. Heureusement le haut plateau central Anatolien est vaste et les Karabash sont partout où il y a le mouton Akkaraman. Dans certains coins mal desservis par le réseau routier, il y a des spécimens qui n’ont visiblement jamais été mélangés avec d’autres chiens et tant que le phénomène de mode ne pénètre pas ces refuges, la sauvegarde du vivier génétique sera assurée.
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© DERBENT Anne-Marie 2006 |