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07-LE CHIEN DANS L’HISTOIRE TURQUE Janv 2010 Extraits des écrits de Doğan KARTAY. Il étudie les chiens de Turquie depuis plus de 50 ans. M. KARTAY est un des plus grands spécialistes en Turquie de l’histoire, de l’évolution et de la spécificité des chiens authentiques.
Le chien était un totem chez les turcs de quelques tribus Oghouz, Kazakhs et Nogays avant l’islamisation qui a débuté au 8ième siècle. Le chien était aussi vénéré que le loup, le cheval, le cerf et l’aigle. Un des mois que comportait le calendrier turc composé de 12 noms d’animaux était le mois du chien. Une des tribus des Coumans (ou Koumans) s’appelait « İtoğlu » (fils de chien). Dans les inscriptions d’Orkhun (720 de notre ère) Bilge Khan, souverain des Göktürk dans son message adressé à son peuple écrit, « J’ai donné de la nourriture à ceux qui avaient faim, j’ai donné de quoi s’habiller à ceux qui en avaient besoin, j’ai donné de l’herbe aux chevaux et de la viande
Doğan KARTAY est, à notre connaissance,
le premier cynophile à avoir étudié l’origine et
l’histoire des chiens de Turquie.
aux chiens ». Il a ainsi souligné l’importance de la place du chien (et du cheval) dans la civilisation que menaient les nomades turcs dans les grandes steppes du Turkestan.
Comme les mots en turc pour le tigre, la gazelle, le faucon, la buse et l’aigle, le mot chien « köpek » était un prénom pour les personnes avant (parfois même après) l’islamisation. Chez les Oghouz, « köpek » signifiait confiance, force et loyauté. Le mot en turc pour le berger « çoban » qui aussi veut dire « protecteur » était utilisé comme prénom ou comme titre chez les notables Oghouz. Cette tradition s’est perpétuée avec les Ottomans.
İt Barak Khan (« it » est un autre mot turc pour chien), khan des Oghouz au 11ième siècle Emir Çoban, gouverneur d’Anatolie au 14ième siècle Sadettin Köpek,vizir Seldjoukide au 13ième siècle Hüsamettin Çoban, commandant des forces armées Seldjoukides au 13ième siècle
Çoban Alp, fils cadet d’Osman, 1ier sultan ottoman Köpekoğlu (fils de chien), insurgé turkmène contre les ottomans en 1400. Çoban Moustapha Pasha, commandant des forces de l’ouest de l’empire ottoman en 1523, sont quelques exemples de cette tradition.
Une autre tradition est l’utilisation du mot bélier « koç ». Les adolescents et les jeunes hommes sont appelés « koç », signe de reconnaissance et de sympathie. Les soldats sont appelés « koçyiğit », un mot composé qui signifie brave, vaillant. Le chien de protection, le mouton et le berger sont tellement associés dans la mémoire collective des turcs de l’Asie Centrale qu’il existait des tribus dont les noms évoquaient cet attachement si profond de ces peuples à leurs racines. Une partie de ces tribus ont même fondé des états. Akkoyunlular (du mouton blanc) 1340-1514, nord-est de l’Anatolie et Azerbaïdjan. Karakoyunlular (du mouton noir) 1365-1469 sud-est de l’Anatolie jusqu’à Mossoul. Karamanogullari (une variété de mouton) 1250-1487 région de Konya Karakeçililer ( de la chèvre noire) tribu qui a fait la grande migration Sarikeçililer (de la chèvre jaune) tribu qui a fait la grande migration Akkeçililer (de la chèvre blanche) tribu qui a fait la grande migration Tekeli (du bouc) principauté dans la région d’Antalya aux 14ième et 15ième siècles Koçlu (du bélier) nom d’innombrables villages et de lieux Çobanoğulları (fils de berger) Principauté dans la région de Kastamonu au 13ième Siècle
Cette liste est loin d’être exhaustive.
Ces quelques éléments suffisent à donner une idée de la place prépondérante qu’occupaient le chien, le mouton, le berger (et le cheval qui, à lui tout seul, peut être un autre sujet d’étude) dans la vie culturelle, économique et politique de ces populations.
Il est rare de trouver un autre animal qui, depuis toujours, soit autant impliqué dans la destinée des hommes avec lesquels il partage son existence.
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© DERBENT Anne-Marie 2006 |